• accueil
  • résultat de recherche
  • [Ballet de l'Opéra national de Lyon (saison 1990-1991). Roméo et Juliette, de Serge Prokofief (mise en scène d'Angelin Preljocaj)]

[Ballet de l'Opéra national de Lyon (saison 1990-1991)....

[Ballet de l'Opéra national de Lyon (saison 1990-1991). Roméo et Juliette, de Serge Prokofief (mise en scène d'Angelin Preljocaj)]
droitsCreative Commons - Paternité. Pas d'utilisation commerciale. Pas de modification.
localisationBibliothèque municipale de Lyon / P0740 FIGRPT0729A 10
technique1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 18 x 24 cm (épr.)
historiqueRoméo et Juliette, de Prokofiev par le Lyon opéra Ballet et l'Orchestre de l'Opéra de Lyon, sous la direction de Kent Nagano à l'auditorium Maurice-Ravel, 28 au 31 décembre 1990. Mise en scène et chorégraphie : Angelin Preljocaj ; décors et costumes : Enki Bilal.
historiqueAvec une adaptation très personnelle du "Roméo et Juliette" de Sergeï Prokofiev par le chorégraphe français Angelin Preljocaj, Yorgos Loukos et Françoise Adret, directeurs artistiques, prouvent une fois pour toutes que le Lyon Opera Ballet n'est pas une banale structure vivant sur les rentes d'un Cendrillon qui continuera de tourner à l'étranger cette saison. Après Monnier et Duroure, Naharin, Forsythe et les trois volets de "Dancing Zappa" créés pour la Biennale par Lucinda Childs, Karole Armittage et Ralph Lemon, c'est au tour d'Angelin Preljocaj d'utiliser les ressources d'un corps de ballet qualifié par Anna Kisselgoff, critique au New York Times, de "Most Versatile Dance Company" : un éloge qui veut souligner les ressources d'adaptation et l'éclectisme du Lyon Opéra Ballet. Sur fond de haine de castes, histoire d'amour à mort entre deux amants hors-la-loi. Roméo, le manant-rat d'égout, Juliette, issue de la classe dirigeante, dansent à bout de souffle dans un décor de fin du monde imaginé par Bilal. Course à la liberté d'aimer dans un contexte de désespoir et d'oppression. Si, pour "Larmes blanches", Angelin Preljocaj avait déjà pu établir un premier contact avec huit interprètes de la compagnie, le chorégraphe dispose cette fois de vingt-sept danseurs : "Le nombre offre des possibilités plus larges, ce sont des personnalités intéressantes, avec une forte technicité et une grande maîtrise académique. En quelque sorte des Stradivarius, grâce à leurs expériences avec de nombreux chorégraphes qui leur donnent de la rapidité. Contrairement à l'idée que je me faisais d'une grosse structure, je m aperçois qu'il n'y a pas cette force d'inertie très lourde. Même à trente, ils sont mobiles et réagissent très vite." Côté décor et costumes, le dessinateur Enki Bilal a été sollicité par Angelin Preljocaj en fonction de "convergences d'univers entre certaines choses que j'ai faites et ce qu'a dessiné Enki". Accord immédiat et parfait autour d'un fil conducteur tout à fait romantique. Ce "Roméo et Juliette" ne pêche a priori ni par conformisme ni par excès de classicisme, grâce aux échanges d'idées entre le chorégraphe et le dessinateur-plasticien. L'intrigue familiale se trouve estompée et se focalise sur les deux amants, résultat d'un "mélange d'influences mutuelles" : atmosphère sous pression, chorégraphie où "tout est toujours sous haute surveillance. D'emblée, nous avons situé "Roméo et Juliette" dans un contexte de décalage social. Juliette est issue d'une nomenklatura très oppressante, Roméo vient d'une sous caste un peu comme ces gens condamnés à vivre sous des ponts d'autoroute, sans feu ni loi, toujours repoussés plus loin, en périphérie. Il ne s'agit plus de deux personnes de niveau social égal nées dans de la soie. Nous montrons un Roméo fasciné par tout ce qu'il y a derrière elle. Pour Juliette, la rencontre avec Roméo correspond à toute une part d'elle-même qui se remet à exister. C'est une osmose des libertés, la volonté de faire communiquer le désir de s'arracher à l'oppression. C'est une histoire de castes et d'oppression, avec ceux qui ont le pouvoir et ceux qui ne l'ont pas". Le décor monumental conçu par Enki Bilal, tout comme les costumes et l'affiche du ballet, évoquent clairement cette atmosphère de Métropolis glaciale : couleurs de rouille, métal bleuté, surveillance vidéo, évocation d'une milice qui rejoignent les éléments centraux des bandes dessinées d'Enki Bilal : "Je me suis mis au service d'Angelin, dont je n'avais jamais vu de pièce, car je considère que le chorégraphe est maître à bord. Je me suis rendu compte qu'il avait une vision très précise, et nous sommes partis de l'idée du Mur. Qu'on l'aime ou pas, mon graphisme évoque des choses très dures et très désagréables : la dureté du décor valorise l'émotion de ce couple très universel." Un couple qui, dans cette version, ne risque plus seulement d'être renié par sa famille. A mi-chemin entre la légende, la réalité et la science-fiction, à "lire" comme on voudra : "Roméo et Juliette risquent leur peau en cherchant la peau de l'autre : dès le départ, la mort est là. Chaque acte et chaque décision sont une action contre le pouvoir et un pas de plus vers la mort. Il y a ce côté très adolescent de l'amour qui fait que tout cela atteint une plus forte intensité." En guise de "déclaration d'intentions", un extrait de 1984 de George Orwell, où le personnage féminin semble en effet tout résumer dans ces mots : "Quand on s'aime et qu'on fait l'amour, on brûle son énergie, après on se sent heureux et on se moque du reste. Ils ne peuvent admettre que l'on soit ainsi. Ils veulent que l'énergie éclate continuellement. Toutes ces marches, ces acclamations, ces drapeaux flottants sont simplement de l'instinct sexuel aigri, il y a un lien direct entre la chasteté et l'orthodoxie politique." Une nouvelle incursion dans le répertoire pour le chorégraphe contemporain qui a déjà signé une adaptation des "Noces" de Stravinski, très directif dans sa création chorégraphique et audacieux dans la confrontation danse-musique, mises en relation étroite malgré des ajouts (les compositions contemporaines de Doran Vejroda), et l'élagage par le chorégraphe d'extraits de la partition originale (une heure environ). "J'ai fait mon découpage par rapport à l'histoire mise en place. En général, les morceaux les plus beaux et les plus importants dans la partition sont ceux qui font vraiment avancer l'action, dynamiques pour la dramaturgie. Cela permet d'avoir un spectacle sans entracte, vraiment comme un film que l'on regarde d'une traite plutôt qu'un truc avec de gros changements de décors et des successions de tableaux. Là, tout se passe dans une unité de lieu, avec de petits changements assez rapides." Pour les représentations lyonnaises, Kent Nagano dirigera l'orchestre de l'Opéra de Lyon. Tons éteints, carapaces de cuir : les danseurs deviennent acteurs, tout en devant se plier aux exigences d'une chorégraphie "très minutieuse, très technique, très épuisante parce que rapide, précise, avec des difficultés importantes. Et cette notion d'épuisement apparaît clairement, surtout pour Roméo et Juliette... Lors des marquages, qui sont normalement quelque chose de très léger, un survol sans investissement physique, ils sont éreintés, essoufflés comme s'ils venaient de courir un mille mètres". Cette version "assez cinématographique" de Roméo et Juliette devrait connaître d'autres développements dans les mois à venir. Une édition papier du montage du ballet et du processus de création est envisagée, de même qu'un tournage en studio dans des décors renforcés, "pour perdre la notion de frontalité, et que l'on se retrouve dans une sphère, comme une place". Sur les rangs, un réalisateur nommé Angelin Preljocaj, auteur de plusieurs films, dont les "Noces" qui sera diffusé prochainement sur la Sept. [...] Un "Roméo et Juliette" test, où le récit fantastique déboulonne le dramatique trop prévisible. A découvrir lors des cinq représentations programmées à Lyon, puis en janvier [1991] à Caen et en avril à Orléans, avant une nouvelle tournée du Lyon Opéra Ballet, en Egypte, en Afrique de l'Est, en Ethiopie et à Madagascar. Source : "Un lifting pour Roméo" / P.D. [Pascaline Dussurget] in Lyon Figaro, 27 décembre 1990, p.28-29.

Retour